Niger - Une malnutrition cachée mais pourtant bien réelle

Lundi 23 mai à Maradi, Niger, avec les équipes MSF.
Chronique d'une journée ordinaire.

Dès 6 heures, l'équipe MSF de Maradi se retrouve autour de la table d'un petit déjeuner sommaire. Il ne fait pas encore trop chaud, mais chacun avale autant de liquide que possible en prévision de la chaleur qui dépassera largement les 40 degrés d'ici peu de temps. Sur RFI, le deuxième sujet du journal du matin porte justement sur la situation nutritionnelle alarmante de la région. La journaliste, qui est venue visiter le centre de MSF la veille, décrit la pénurie alimentaire dont souffre une partie de la population et son effet dévastateur sur les enfants qu'elle a vus. Cela met du baume au coeur de l'équipe MSF. Enfin les médias parlent de cette situation qui ne peut qu'empirer dans les mois à venir. L'alerte lancée par MSF serait-elle enfin entendue ?

Les premiers à quitter la maison MSF sont Gonzague et Véronique, jeunes médecin et infirmière. Ils vont retrouver leur équipe d'infirmières et d'assistantes nutritionnelles nigériennes et partir pendant deux jours en brousse. Leur mission sera d'identifier dans des villages de la région des enfants sévèrement malnutris et de débuter un traitement médical et nutritionnel adapté à leur état de santé. Ils feront aussi la consultation hebdomadaire d'enfants déjà inclus dans le programme de prise en charge de la malnutrition sévère. Chaque enfant sera pesé, ausculté et recevra les soins nécessaires. Des compléments nutritionnels seront aussi distribués pour que l'enfant reprenne du poids.

De plus en plus d’enfants dans le centre nutritionnel MSF
A 7h30, Annick, l'infirmière responsable du centre nutritionnel de Maradi rejoint son équipe. Ils doivent finaliser le réaménagement du centre débuté la veille. Avec le nombre croissant d'enfant séjournant dans le centre, plus d'espace est nécessaire pour accueillir les petits patients et leur maman. Il y a déjà 210 enfants hospitalisés, dont une vingtaine dans le service de soins intensifs. La semaine dernière, 391 jeunes enfants ont été intégrés dans le programme de Maradi, dont la moitié nécessitait une hospitalisation compte tenu de leur état de santé. Cela représente 30% de plus que la semaine précédente.

Alors que le docteur Innocent fait sa tournée de consultations, la jeune médecin Vanessa se concentre sur les cas les plus sévères du service des soins intensifs. Au bout de quelques heures, ils se retrouveront pour discuter de quelques cas particulièrement inquiétants. Que faire pour la petite Yassera qui est hospitalisée depuis trois mois pour soigner sa tuberculose ? Ils soupçonnent qu'elle ait contracté une méningo-encéphalite virale.
Depuis le début de sa mission à Maradi, Vanessa qui se spécialise à Rouen en cancérologie pédiatrique va de surprise en surprise : ces enfants de un an qui pèsent à peine plus de trois kilos (le poids d'un nouveau né) alors qu'ils devraient en peser aux alentours de six. Cette hypotrophie est particulièrement difficile à voir, donnant à ces jeunes enfants un visage de vieillard au regard insoutenable.

Organiser la distribution de centaines de tonnes de nourriture
Germain est parti aux entrepôts pour superviser le chargement de nourriture d'un camion pour approvisionner le programme MSF de Dakoro, à une centaine de kilomètres au nord de Maradi. Son collègue Christian est parti en ville louer deux camions supplémentaires pour compléter la flotte de véhicules nécessaire au transport des stocks de nourriture sur les différents sites du programme MSF. Ce sont des centaines de tonnes que les équipes MSF vont transporter dans la région. Et avec les pluies qui ne vont pas tarder et rendre les pistes difficilement praticables, il faut des camions 4x4 qui soient en bon état.

Dounia, pharmacienne nouvellement arrivée, prend connaissance des stocks de médicaments de la mission et identifie les produits qu'il faudra commander. Mego, le nouveau médecin responsable du programme MSF dans la région de Maradi va rencontrer le médecin directeur de l'hôpital public pour se présenter. Ils discuteront particulièrement du suivi de la douzaine d'enfants tuberculeux qui sont soignés dans le centre MSF.

A 11 heures, Théo revient de sa consultation hebdomadaire sur Tiberi, un village proche de Maradi, avec huit enfants nécessitant une hospitalisation. Il confie rapidement les enfants et leur dossier aux infirmiers du centre et repart aussitôt sur Tiberi pour rejoindre son équipe qui poursuit les consultations.

Une disette qui frappe inégalement
C'est alors qu'un invité de marque se présente pour visiter le centre. Il s'agit du député de Maradi, Salissou Dan Dagali. Il veut se rendre compte personnellement de la situation et voir l'état des enfants pris en charge. Très impressionné par ce qu'il voit, il promet de rendre compte à Niamey de l'urgence de la situation. Peu de gens ont effectivement conscience de la gravité de la situation car la malnutrition n'est pas apparente. La sécheresse et les crickets ont certes affecté les récoltes et les prix se sont enchéris, mais les étals des marchés sont pleins. Ainsi, alors que des familles vivent la disette, d'importants stocks de nourriture existent. Ce qui ressort des enquêtes nutritionnelles menées par MSF, c'est que des villages et surtout des groupes de populations sont particulièrement touchés par la disette alors que d'autres s'en sortent.

L'après midi a été particulièrement dur au service des soins intensifs du centre MSF de Maridi. Quatre enfants sont décédés malgré les soins qui leur étaient prodigués. Deux venaient juste d'arriver dans un état catastrophique. Les deux autres étaient là depuis plusieurs jours. L'un d'eux avait la rougeole, ce qui aggravait sa malnutrition. Sa mère avait déjà perdu deux enfants à cause de la rougeole.
Perdre des enfants est une énorme frustration. Mais c'est heureusement en partie compensé par la joie de voir les enfants qui étaient des squelettes lors de leur arrivée retrouver un poids normal et de bonnes joues. En effet, surtout sans pathologie associée, les enfants récupèrent vite et en une semaine ils peuvent quitter le centre et continuer à être suivis en ambulatoire.
En fin de journée, Vanessa et Innocent feront le point avec leur quatre collègues médecins nigériens qui assurent les gardes de jours et de nuit au service de soins intensifs.

L'équipe se retrouve à la maison MSF et partage les informations de la journée. Les logisticiens sont très excités car le dispositif pour commencer à distribuer les centaines de tonnes de nourriture est prêt. Les familles des enfants admis dans le programme Médecins Sans Frontières vont recevoir chaque semaine une ration de cinq kilos de farine et un litre d'huile pour préparer le repas familial. Fournir des compléments nutritionnels aux enfants ne suffit plus quand il n'y a plus rien à manger à la maison. A la fin du traitement, les familles partiront avec une ration alimentaire pour un mois, à base de céréales, de haricots et de d'huile.

Statistiques alarmantes, plus d’aide indispensable
Par contre, Annick vient de finaliser les statistique de la semaine précédente, qui sont extrêmement alarmantes. La courbe d'admission des enfants dans le programme monte en flèche. Et cela ne concerne que les activités de Maradi. Heureusement, ces derniers jours, MSF a ouvert deux autres centres dans la région. Un troisième ouvrira prochainement. Mais plus d'aide est désespérément nécessaire.
Pourvu que d'autres agences d'aide viennent rapidement. Compte tenu du nombre important d'enfants sévèrement malnutris à prendre en charge, les programmes MSF n'incluent pas les enfants souffrant de malnutrition modérée. Ceux-ci pourtant nécessitent d'être suivis, et il est donc urgent que d'autres organisations s'y attachent.

Notes

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