Dès 6 heures, l'équipe MSF de Maradi se retrouve autour de la table
d'un petit déjeuner sommaire. Il ne fait pas encore trop chaud, mais
chacun avale autant de liquide que possible en prévision de la chaleur
qui dépassera largement les 40 degrés d'ici peu de temps. Sur RFI, le
deuxième sujet du journal du matin porte justement sur la situation
nutritionnelle alarmante de la région. La journaliste, qui est venue
visiter le centre de MSF la veille, décrit la pénurie alimentaire dont
souffre une partie de la population et son effet dévastateur sur les
enfants qu'elle a vus. Cela met du baume au coeur de l'équipe MSF.
Enfin les médias parlent de cette situation qui ne peut qu'empirer dans
les mois à venir. L'alerte lancée par MSF serait-elle enfin entendue ?
Les
premiers à quitter la maison MSF sont Gonzague et Véronique, jeunes
médecin et infirmière. Ils vont retrouver leur équipe d'infirmières et
d'assistantes nutritionnelles nigériennes et partir pendant deux jours
en brousse. Leur mission sera d'identifier dans des villages de la
région des enfants sévèrement malnutris et de débuter un traitement
médical et nutritionnel adapté à leur état de santé. Ils feront aussi
la consultation hebdomadaire d'enfants déjà inclus dans le programme de
prise en charge de la malnutrition sévère. Chaque enfant sera pesé,
ausculté et recevra les soins nécessaires. Des compléments
nutritionnels seront aussi distribués pour que l'enfant reprenne du
poids.
De plus en plus d’enfants dans le centre nutritionnel MSF
A 7h30, Annick, l'infirmière responsable du centre nutritionnel de
Maradi rejoint son équipe. Ils doivent finaliser le réaménagement du
centre débuté la veille. Avec le nombre croissant d'enfant séjournant
dans le centre, plus d'espace est nécessaire pour accueillir les petits
patients et leur maman. Il y a déjà 210 enfants hospitalisés, dont une
vingtaine dans le service de soins intensifs. La semaine dernière, 391
jeunes enfants ont été intégrés dans le programme de Maradi, dont la
moitié nécessitait une hospitalisation compte tenu de leur état de
santé. Cela représente 30% de plus que la semaine précédente.
Alors
que le docteur Innocent fait sa tournée de consultations, la jeune
médecin Vanessa se concentre sur les cas les plus sévères du service
des soins intensifs. Au bout de quelques heures, ils se retrouveront
pour discuter de quelques cas particulièrement inquiétants. Que faire
pour la petite Yassera qui est hospitalisée depuis trois mois pour
soigner sa tuberculose ? Ils soupçonnent qu'elle ait contracté une
méningo-encéphalite virale.
Depuis le début de sa mission à Maradi,
Vanessa qui se spécialise à Rouen en cancérologie pédiatrique va de
surprise en surprise : ces enfants de un an qui pèsent à peine plus de
trois kilos (le poids d'un nouveau né) alors qu'ils devraient en peser
aux alentours de six. Cette hypotrophie est particulièrement difficile
à voir, donnant à ces jeunes enfants un visage de vieillard au regard
insoutenable.
Organiser la distribution de centaines de tonnes de nourriture
Germain est parti aux entrepôts pour superviser le chargement de
nourriture d'un camion pour approvisionner le programme MSF de Dakoro,
à une centaine de kilomètres au nord de Maradi. Son collègue Christian
est parti en ville louer deux camions supplémentaires pour compléter la
flotte de véhicules nécessaire au transport des stocks de nourriture
sur les différents sites du programme MSF. Ce sont des centaines de
tonnes que les équipes MSF vont transporter dans la région. Et avec les
pluies qui ne vont pas tarder et rendre les pistes difficilement
praticables, il faut des camions 4x4 qui soient en bon état.
Dounia,
pharmacienne nouvellement arrivée, prend connaissance des stocks de
médicaments de la mission et identifie les produits qu'il faudra
commander. Mego, le nouveau médecin responsable du programme MSF dans
la région de Maradi va rencontrer le médecin directeur de l'hôpital
public pour se présenter. Ils discuteront particulièrement du suivi de
la douzaine d'enfants tuberculeux qui sont soignés dans le centre MSF.
A
11 heures, Théo revient de sa consultation hebdomadaire sur Tiberi, un
village proche de Maradi, avec huit enfants nécessitant une
hospitalisation. Il confie rapidement les enfants et leur dossier aux
infirmiers du centre et repart aussitôt sur Tiberi pour rejoindre son
équipe qui poursuit les consultations.
Une disette qui frappe inégalement
C'est alors qu'un invité de marque se présente pour visiter le centre.
Il s'agit du député de Maradi, Salissou Dan Dagali. Il veut se rendre
compte personnellement de la situation et voir l'état des enfants pris
en charge. Très impressionné par ce qu'il voit, il promet de rendre
compte à Niamey de l'urgence de la situation. Peu de gens ont
effectivement conscience de la gravité de la situation car la
malnutrition n'est pas apparente. La sécheresse et les crickets ont
certes affecté les récoltes et les prix se sont enchéris, mais les
étals des marchés sont pleins. Ainsi, alors que des familles vivent la
disette, d'importants stocks de nourriture existent. Ce qui ressort des
enquêtes nutritionnelles menées par MSF, c'est que des villages et
surtout des groupes de populations sont particulièrement touchés par la
disette alors que d'autres s'en sortent.
L'après
midi a été particulièrement dur au service des soins intensifs du
centre MSF de Maridi. Quatre enfants sont décédés malgré les soins qui
leur étaient prodigués. Deux venaient juste d'arriver dans un état
catastrophique. Les deux autres étaient là depuis plusieurs jours. L'un
d'eux avait la rougeole, ce qui aggravait sa malnutrition. Sa mère
avait déjà perdu deux enfants à cause de la rougeole.
Perdre des
enfants est une énorme frustration. Mais c'est heureusement en partie
compensé par la joie de voir les enfants qui étaient des squelettes
lors de leur arrivée retrouver un poids normal et de bonnes joues. En
effet, surtout sans pathologie associée, les enfants récupèrent vite et
en une semaine ils peuvent quitter le centre et continuer à être suivis
en ambulatoire.
En fin de journée, Vanessa et Innocent feront le
point avec leur quatre collègues médecins nigériens qui assurent les
gardes de jours et de nuit au service de soins intensifs.
L'équipe
se retrouve à la maison MSF et partage les informations de la journée.
Les logisticiens sont très excités car le dispositif pour commencer à
distribuer les centaines de tonnes de nourriture est prêt. Les familles
des enfants admis dans le programme Médecins Sans Frontières vont
recevoir chaque semaine une ration de cinq kilos de farine et un litre
d'huile pour préparer le repas familial. Fournir des compléments
nutritionnels aux enfants ne suffit plus quand il n'y a plus rien à
manger à la maison. A la fin du traitement, les familles partiront avec
une ration alimentaire pour un mois, à base de céréales, de haricots et
de d'huile.
Statistiques alarmantes, plus d’aide indispensable
Par contre, Annick vient de finaliser les statistique de la semaine
précédente, qui sont extrêmement alarmantes. La courbe d'admission des
enfants dans le programme monte en flèche. Et cela ne concerne que les
activités de Maradi. Heureusement, ces derniers jours, MSF a ouvert
deux autres centres dans la région. Un troisième ouvrira prochainement.
Mais plus d'aide est désespérément nécessaire.
Pourvu
que d'autres agences d'aide viennent rapidement. Compte tenu du nombre
important d'enfants sévèrement malnutris à prendre en charge, les
programmes MSF n'incluent pas les enfants souffrant de malnutrition
modérée. Ceux-ci pourtant nécessitent d'être suivis, et il est donc
urgent que d'autres organisations s'y attachent.