L'offensive lancée par l'armée yéménite contre le groupe rebelle des Al Houthi, issu de la communauté dominante dans le Nord, a des conséquences humanitaires sans précédents dans la région.
Les cibles non-militaires et la population civile ne sont pas épargnées par cette énième vague de combats : des centaines de milliers de personnes ont été déplacées par les violences, et des taux alarmants de malnutrition infantile ont été rapportés dans les camps de déplacés, alors même que l'aide humanitaire peine à être acheminée et n'atteint pas les plus vulnérables.
Autre élément inquiétant, l'entrée en guerre de l'Arabie Saoudite risque de compliquer davantage la résolution du conflit et donc la situation de la population.
Dans le gouvernorat de Saada, où vivent environ 700 000 personnes, les partisans du mouvement Al Houthi ont démarré en 2004 une insurrection contre le gouvernement central, sur fond de revendications économiques, politiques, sociales et religieuses.
Si la sixième guerre a officiellement commencé en août 2009, des combats avaient déjà eu lieu au printemps dernier, provoquant des dizaines de victimes parmi les civiles. Les équipes MSF de l'hôpital de Razeh ont alors soigné des hommes, mais aussi des femmes et des enfants.
Ces combats n'ont pas épargné l'hôpital, touché par des balles perdues, ni la maison du personnel MSF, menacée de près par des tirs à l'arme lourde. Les combats ont aussi eu comme effet de réduire l'accès des patients à l'hôpital, et d'entraver les activités médicales d'urgence, chirurgicales et nutritionnelles.
Au mois d'août, la violence a monté d'un cran avec le début des bombardements aériens et des attaques à l'arme lourde. Les combats ont touché 13 des 15 districts qui composent le gouvernorat, avec des conséquences directes sur l'énorme majorité de la population de la région.
Au mois de novembre, pour la première fois, un pays voisin intervient dans le conflit. Suite au meurtre d'un garde-frontière l'armée saoudienne lance, aux côtés du gouvernement yéménite, des bombardements aériens sur les positions rebelles.
A l'hôpital de Al Talh, MSF a réalisé, entre août et septembre, 195 interventions chirurgicales, dont 135 pour des blessures liées au conflit, avant d'être obligée de suspendre ses activités en raison de l'intensification de la violence.
Mi-octobre, les activités médicales ont également dû être interrompues à Razeh, après que l'hôpital ait été touché par des tirs de roquettes.
Avec la fermeture de Razeh, la dernière structure de santé encore en fonction en dehors de la ville de Saada, la vaste majorité de la population est privée de tout accès aux soins de santé.
Autre conséquence des combats, des milliers de personnes se sont déplacées, soit vers le nord du gouvernorat de Saada, soit vers les gouvernorats voisins de Hajja, Amran et Al-Jawf, où l'offre de soins est très limitée.
Dans ces gouvernorats, on estime à quelque 35 000 le nombre de déplacés, et à 45 000 ceux à l'intérieur du gouvernorat de Saada. Il demeure extrêmement difficile d'obtenir les chiffres et les locations exacts de ces populations, en raison des difficultés de mouvement pour les acteurs de l'aide mais aussi parce qu'une partie de ces déplacés sont hébergés par des familles d'accueil.
MSF est aussi intervenue dès la mi-août à Mandabah, village frontalier de l'Arabie Saoudite dans le district de Baqim, pour fournir des soins de santé et un accès à l'eau potable aux milliers de déplacés dans la région. Mi-novembre, MSF a reçu l'autorisation d'ouvrir un hôpital dans ce village, et peut désormais offrir des soins gratuits aux déplacés ainsi qu'aux résidents.
Toujours au mois de novembre dernier, MSF a évalué la situation nutritionnelle dans le camp de Al Mazraq, dans le gouvernorat de Hajja, où des chiffres alarmants de malnutrition infantile avaient été rapportés. Selon cette évaluation 8% des enfants de moins de cinq ans souffriraient de malnutrition sévère. Une intervention a été lancée pour répondre à la situation.
Ailleurs, dans le sud du pays, ce sont les conséquences d'une autre crise humanitaire qui continuent de se manifester.
En effet, plus de 50 000 réfugiés somaliens et éthiopiens - 50% de plus qu'en 2008 - ont traversé le golfe d'Aden pour fuir la guerre et l'extrême pauvreté dans leurs pays d'origine.
Les passeurs n'hésitent pas à entasser plus de 100 réfugiés dans des embarcations qui sont prévues pour accueillir 30 à 40 personnes tout au plus. Au cours de la traversée, beaucoup d'entre eux meurent suite aux violences subies, par suffocation ou noyés. Au cours de cette dernière année, au moins 266 personnes sont mortes noyées pendant la traversée, et 153 sont portées disparues.
Les équipes MSF qui travaillent dans le sud du Yémen ont porté assistance à plus de 5 600 de ces réfugiés en 2009.