Années 70 - début des années 80 : l’époque des pionniers. Presque toutes les missions d’urgence de MSF comprenaient alors des équipes chirurgicales. Les interventions en contextes de guerre civile - comme le Liban en 1976 et l’Afghanistan dès 1980 - ont participé à construire la réputation des « French Doctors ».
Deuxième partie des années 80 : la chirurgie se professionnalise. Comme pour l’ensemble de nos activités médicales, MSF souhaite professionnaliser la chirurgie. Il faut pouvoir assurer un minimum de gestes chirurgicaux d’urgence : césariennes, laparotomies, hernies étranglées, amputations… Mais il est difficile de garder assez longtemps des chirurgiens sur un projet. Des médecins expatriés capables d’effectuer des gestes chirurgicaux sont alors envoyés sur certaines missions isolées comme au Soudan. Certains s’y préparent en passant quelques mois comme internes dans des services de chirurgie.
Mais nos besoins en chirurgie changent et le nombre de candidats prêts à partir ne suffit plus à les pourvoir. Une formation chirurgicale des médecins est proposée aux personnels nationaux. Ainsi, MSF décide d’ouvrir un projet de formation des médecins éthiopiens à Weldia.
De 1983 à 1985, les combattants du Tigrean People Liberation Front (TPLF) sont transférés d’Ethiopie vers le Soudan où ils sont pris en charge par MSF dans la clinique de Wad Medani. Cette mission est tenue par une équipe de kinésithérapeutes et, tous les 2 ou 3 mois, les chirurgiens viennent y passer une semaine pour opérer les blessés.
C’est dans ce programme que l’utilisation des fixateurs externes est décidée comme outil unique de prise en charge pour les fractures ouvertes.
En 1986, MSF ouvre une mission chirurgicale au Sri Lanka : Trincomalee, Point-Pedro, Mannar et Batticaloa. Environ 1 million d’habitants couverts et 50 chirurgiens envoyés sur ces terrains, en moyenne, tous les ans : c’est l’une des missions chirurgicales historiques de MSF. Désormais, toute équipe chirurgicale comprend systématiquement un anesthésiste et un infirmier de bloc en plus du chirurgien.
Sri Lanka, fin des années 80 - © Harrie Timmermans
Années 90 : le temps de la chirurgie de guerre. En 1991, Mogadiscio, capitale de la Somalie est à feu et à sang. MSF ouvre un programme chirurgical à l’hôpital de la Medina, situé à côté de la ligne de front. Les équipes sont débordées, l’hôpital saturé, le triage difficile. La violence est omniprésente entre les murs de la structure. L’espace autour du bloc ressemble à une cour des miracles à ciel ouvert où aboutissent des balles perdues.
Un programme de soins de réhabilitation pour les blessés aux membres sera également mis en place, 327 patients en bénéficieront.
Rwanda, 1994 - © Roger Job
1994, c’est le génocide au Rwanda. Nous travaillons en collaboration avec le Comité International de la Croix Rouge (CICR) dans une école devenue un ilot de secours au milieu du drame humain. MSF déploie en quelques heures le kit chirurgical pour 300 interventions, contenant tout le matériel nécessaire à ce type d’urgence. Il faut souligner que sans l’appui (médical, mais aussi l’approvisionnement en eau, électricité, le système de stérilisation etc.) de la logistique à MSF, nous n’aurions pas pu développer notre activité chirurgicale.
En 1994, MSF mène également des programmes chirurgicaux à Srebrenica, Zepa et Gorazde en Bosnie ; au Sri Lanka (5 000 à 8 000 interventions par an) ; au Cambodge ; au Burundi ; en Sierra Leone… Mais le volume de cette activité tend à diminuer.
Années 2000, pas de pauvre chirurgie pour les pauvres. MSF décide de faire de la chirurgie une priorité médicale sur ses terrains et parvenir à un niveau et à une qualité se soins équivalents aux standards européens. C’est notamment le cas pour l’anesthésie : objectif « zéro mort évitable sur la table » (quasiment atteint aujourd’hui), salle de réveil et présence d’un anesthésiste obligatoires, mise à disposition sur les terrains du matériel indispensable à la sécurité des patients.
Hôpital sous tente, Haïti, 2010 - © Benoit Finck/MSF
Un nouveau kit hospitalier modulaire est mis en place. Jusque là, en situation d’urgence, MSF s’installait dans une structure existante, voire dans un bâtiment administratif. Désormais, nos équipes disposent d’un hôpital de campagne complet, sous tentes gonflables. Cette structure innovante sera notamment utilisée au Pakistan et en Haïti après les séismes, mais aussi au Yémen ou encore dans la bande de Gaza lors de conflits.
Un nouveau mode de réponse est mis en place par MSF : le centre traumatologique. Conçu au départ pour prendre en charge les blessés de guerre, ce nouveau champ opératoire est désormais utilisé dans les contextes d’extrême violence urbaine et pour les accidentés de la voie publique (comme à Port-Harcourt au Nigeria, ou en Haïti). L’occasion d’introduire l’ostéosynthèse par voie interne, en utilisant un matériel adapté à nos contraintes pratiques. Les temps d’hospitalisation s’en trouvent réduits, les résultats fonctionnels, l’hygiène et la stérilisation nettement améliorés.
Jordanie, 2008 - © Jiro Ose
Enfin, on se doit de citer notre projet d’Amman, en Jordanie. Il s’agit de réhabiliter des fractures et des blessures dues au conflit en Irak - souvent déjà traitées, mais mal - et d’aider nos patients à retrouver leur mobilité. On y mène également des opérations de chirurgie réparatrice, en majorité pratiquées par des chirurgiens irakiens, qui permettent aux « gueules cassées » de retrouver leur visage, leur sourire…
En 40 ans, la qualité de notre réponse chirurgicale a considérablement évolué. La chirurgie a accompagné toutes les grandes étapes de l’histoire de MSF et l’équipe chirurgicale reste souvent le premier et parfois même la seule réponse aux urgences médicales auxquelles nous avons à faire face.