Le témoignage de Gerry, Haïtien et travailleur MSF

" La nuit je dors sous une tente et le jour c'est encore sous une tente que je travaille"  raconte Paul Gérard aussi connu sous le nom de Gerry kinésithérapeute pour MSF depuis plus de cinq ans.Après le séisme il s'est rapidement mobilisé pour venir
© Caroline Livio

" La nuit je dors sous une tente, et le jour c'est encore sous une tente que je travaille" , raconte Paul Gérard, aussi connu sous le nom de Gerry, kinésithérapeute pour MSF depuis plus de cinq ans.Après le séisme, il s'est rapidement mobilisé pour venir en aide aux patients blessés qui nécessitaient de la rééducation. Il travaille dans une structure MSF de soins post-opératoires installée dans ce qui, avant le tremblement de terre, était une école de fille. Il nous raconte les défis qu'il rencontre en tant que victime du séisme et personnel soignant auprès de sa communauté.

« J'ai trente ans et je travaille avec MSF comme kinésithérapeute. J'aide les rescapés du séisme dans leur rééducation par des massages ou en proposant des exercices aux patients qui ont été amputés. Certains devront utiliser des béquilles ou des déambulateurs, et je m'assure que leur rééducation se fait correctement.

Au centre MSF spécialisé dans les soins post-opératoires, basé dans le lycée Cent Cinquantenaire, nous soignons des patients souffrant de fractures ou qui ont été amputés. Ceux à qui l'on a posé des fixations externes doivent faire des exercices pendant plusieurs mois.

Entre 2004 et 2009, j'ai travaillé au centre de traumatologie de MSF à Port-au-Prince. Lorsqu'on m'a appelé après le tremblement de terre, j'étais disponible tout de suite. Aujourd'hui, je suis responsable de la "tente des enfants" pour tout ce qui concerne la kinésithérapie.


En dépit du choc émotionnel et du fait que je vive dans la rue, j'ai des compétences qui me permettent de venir en aide aux patients qui, comme nous tous ici, sont traumatisés.

Le personnel national a une importance cruciale en Haïti car étant nous-mêmes victimes de la catastrophe nous sommes un pont entre l'aide internationale et les rescapés. Aider les autres nous apporte énormément. Nous connaissons la région, nous savons ce que ressentent nos compatriotes et pouvons déterminer au mieux ce qu'il faut faire. Le fait que nous parlions Créole aide la communication entre les secours et les victimes.

Un survivant au secours d'autres survivants

Je travaille pour MSF mais comme des millions d'autres Haïtiens, je souffre des conséquences du séisme. Par rapport aux autres, je suis relativement chanceux mais je vis sous une tente et dépends de l'aide alimentaire pour survivre. Et quand je me déplace dans la ville, je suis témoin des conditions extrêmement difficiles dans lesquelles les gens vivent et de leurs manques.

Le jour du tremblement de terre, j'étais à l'arrière d'un pick-up donc je n'ai pas vraiment senti la secousse, mais dès que je suis descendu de voiture, j'ai réalisé que tout avait été détruit, qu'il y avait de la poussière et du sang partout. Les gens hurlaient et cherchaient les membres de leur famille.

Moi aussi ça a été ma première réaction. Je me suis mis à courir vers chez moi pour voir ce qu'il était advenu de ma famille. Les murs de ma maison étaient lézardés mais tout le monde allait bien. Nous avons eu vraiment de la chance car je n'ai perdu que quelques connaissances dans le séisme. Un de mes voisins a perdu neuf membres de sa famille y compris sa fille de 17 ans. Quand je compare ma situation à la sienne je me sens béni.

Quelques jours plus tard, nous avons reçu des biens de première nécessité incluant une tente où nous vivons désormais près de notre maison. Nous recevons de l'aide alimentaire, des rations de nourriture pré-emballée dans de petites boîtes, dont je suppose qu'elles sont habituellement destinées aux soldats.

Dans mes déplacements en ville, je vois scènes terribles avec des gens forcés de vivre dans les décombres de leurs maisons. Avec l'aide internationale, les choses s'améliorent doucement, mais, il reste tant à faire.

La saison des pluies menace

Les gens appréhendent beaucoup la saison des pluies. Hier, nous avons eu un peu de pluie ce qui a déjà affecté les gens. Les sinistrés vivent sous des draps installés sur des couvertures, la plupart d'entres eux n'ont même pas de bâche en plastique à mettre sur leur tête.

Ils sont très confus : s'il est vrai que beaucoup a déjà été fait, beaucoup de matériel reste bloqué dans les entrepôts sans être distribué. J'ai l'impression que plus le temps passe, et avec l'arrivée prochaine de la saison des pluies, les gens risquent de perdre patience. Ils vont se plaindre de plus en plus et commencer à réclamer des choses. L'atmosphère va certainement changer.

Si des maladies infectieuses commencent à se propager, touchant les enfants et les personnes âgées, il se peut que nous ayons de plus en plus de plaintes. Nul ne sait ce qui peut se passer.

Le tremblement de terre a changé ma conception de la vie. Je ne fais plus de projets à moyen ou long terme mais j'essaie de voir venir ma vie, semaine après semaine. Sur le plan professionnel, il y aura probablement beaucoup à faire dans les temps à venir, mais nous sommes encore dans une phase d'urgence et je ne sais pas si MSF aura encore besoin de mes services ou si je vais plutôt travailler pour une organisation locale.

Je n'en sais rien. Mais j'espère que je pourrais continuer de travailler dans ce domaine parce que j'adore ce que je fais. Mais en ce moment rien n'est certain."

 

 

Dossier "Tremblement de terre en Haïti"

Retour au dossier consacré aux interventions de MSF en Haïti après le séisme du 12 janvier 2010.

Notes

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