Nord-est du Nigeria : venir en aide à plus de 200 000 déplacés

Le camp "Federal Training Centre" (FTC)  Maiduguri  Etat de Borno  Avril 2015
Le camp "Federal Training Centre" (FTC) - Maiduguri - Etat de Borno - Avril 2015 © Abubakr Bakri/MSF

Les affrontements qui opposent depuis plus de quatre ans le gouvernement nigérian et le groupe Boko Haram ont connu en 2014 une escalade dramatique. Dans le nord-est du Nigeria, les populations ont dû fuir les attaques du groupe islamiste comme les offensives militaires. Le flot de déplacés ayant rejoint Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno qui accueille à lui seul un demi-million de personnes déplacées, est constant. Ils seraient désormais 77 758, regroupés sur 13 camps de la ville. Dans un contexte sécuritaire extrêmement difficile et tendu, où peu d'autres acteurs interviennent, MSF déploie une importante assistance médicale et logistique.

En mai, l’armée nigériane a initié plusieurs offensives contre Boko Haram, principalement dans l’Etat de Borno, situé au nord-est du pays. Le 29 mai, le nouveau président nigérian, Muhammadi Buhari, a été investi. Une de ses priorités annoncées : venir à bout de l’insurrection. Depuis, les incidents de sécurité perpétrés par le groupe islamiste sont quasi quotidiens et en nette augmentation dans l’Etat de Borno, mais aussi dans l'Etat voisin de Yobe : attaques et destruction de villes et villages ; tentatives de prise de Maiduguri ; attentats suicide ciblant des lieux très fréquentés et faisant nombre de morts et de blessés (mosquées, marchés, mariages, etc.) Depuis le 29 mai, près de 90 personnes ont ainsi été tuées au cours d’attentats.

Une aide médicale pour 200 000 personnes

Des milliers de déplacés fuyant les attaques de leurs villes et villages d’origine continuent à rejoindre les camps de Maiduguri. En parallèle, le 17 mai, 20 bus sont arrivés avec plus de 1 600 personnes à bord, essentiellement des enfants, des femmes et des personnes âgées. Ces personnes ont dû évacuer le lac Tchad (où elles s’étaient réfugiées après avoir fui le conflit dans le nord-est du Nigeria). Ces évacuations font suite aux importants affrontements sur une des îles du lac, côté Niger. Ces milliers de rapatriés représentent les premiers retours sur l’Etat du Borno. Ils ont été regroupés dans le camp de Gubio où MSF a initié une intervention.

Actuellement, MSF mène des activités médicales dans quatre camps, parmi les plus peuplés et qui regroupent au total plus de 34 300 personnes. Chaque semaine, nos équipes dispensent plusieurs centaines de consultations dans le dispensaire médical de chaque camp, en majorité pour des enfants âgés de moins de 5 ans. Les cas plus sévères et/ou urgents sont transférés vers des hôpitaux de la ville. Les principales pathologies rencontrées dans les camps sont liées aux conditions de vie des déplacés dont certains vivent et dorment encore dehors : infections respiratoires, diarrhées, paludisme, parasitoses intestinales etc. Plusieurs cas de rougeole ont également été pris en charge. Le taux de malnutrition sévère chez les enfants âgés de moins de 5 ans (5% dans certains camps) est également une préoccupation pour nos équipes. Les enfants sont automatiquement dépistés et, lorsque leur état l’exige, ils sont admis dans nos projets nutritionnels (hospitalisation ou prise en charge ambulatoire selon leur état).

Début mai, plusieurs centaines de jeunes femmes - âgées de 15 à 25 ans et kidnappées par Boko Haram lors des attaques de Bama (septembre 2014), de Damboa (juillet 2014) et de Gwoza (juin 2014) - ont été libérées lors d’une opération militaire dans la forêt de Sambisa, fief de Boko Haram. Un camp de Maiduguri est destiné à accueillir exclusivement des jeunes femmes à qui MSF porte assistance. Depuis le 5 juin, une équipe (dont une psychologue, une gynécologue et une sage-femme MSF, ainsi que 10 conseillers psycho-sociaux du ministère de la Santé) travaillent dans le dispensaire du camp qui comprend quatre lits d'observation pour court séjours, des consultations de médecine générale et de santé mentale et les transferts vers les hôpitaux.  

Un système de surveillance sanitaire a été établi dans cinq camps regroupant plus de 34 300 personnes : recensement de la population ; dépistage de la malnutrition ; formation d’agents communautaires de surveillance ; suivi des naissances, décès, arrivées et départs.

Venir en aide aux déplacés "hors-camps"

La situation dans les camps étant désormais stabilisée, notre priorité est d’intervenir davantage auprès des déplacés vivant au sein de la communauté, ainsi qu’auprès des résidents qui les accueillent. Ces déplacés "hors-camps" sont arrivés depuis plus longtemps à Maiduguri et sont très vulnérables, tout comme la communauté d’accueil qui, depuis un an, partage les ressources avec eux. Mi-mai, MSF a ouvert un dispensaire ouvert 24/7 à Maimusari, dans le district de Jere, une banlieue défavorisée de Maiduguri. Cette structure offre des soins aux déplacés, ainsi qu’à la communauté hôte (120 000 personnes au total) des consultations externes, des poses de pansements, la prise en charge de la malnutrition et des hospitalisations pédiatriques courtes. Ce dispensaire comprend aussi une maternité de 12 lits (consultations anténatales, accouchements et transferts), ainsi que 60 lits dédiés à la nutrition, à l’hospitalisation pédiatrique et aux soins intensifs. Par ailleurs, une surveillance sanitaire va aussi être mise en place au sein de la communauté de Maimusari. Une enquête de mortalité ainsi qu’une évaluation nutritionnelle sont également en cours.

Enfin, suite aux attentats de fin mai et début juin à Maiduguri, sur une mosquée et des marchés, MSF a effectué des donations d’urgence à l’hôpital où 34 blessés ont été pris en charge (kits pour les pansements, matériel de réhydratation et pour intraveineuses, sutures, cathéters, antibiotiques, etc.) Il y a un an, MSF avait déjà formé le personnel de cette structure à la prise en charge d’afflux massif de blessés.

D’importants besoins logistiques

En parallèle de son action médicale, MSF gère aussi un important volume d’activités logistiques dans nombre de camps de déplacés de Maiduguri. Ainsi, nous assurons l’approvisionnement en eau potable de cinq camps. Chaque semaine, plus de 22 litres d’eau en moyenne par jour et par personne sont ainsi fournis par MSF à un total de plus de 34 300 déplacés ; soit plus de 2 millions de litres d’eau fournis au total, chaque mois. Un important travail de réhabilitation, construction, hygiène et assainissement a également été fourni : construction de points d’eau, de plusieurs centaines de douches et de latrines, de cuisines collectives, d’aires de lavage, réhabilitation d’abris pour héberger les déplacés, etc. Des biens de première nécessité ont également été distribués, aux déplacés des camps comme à ceux vivant au sein de la communauté, car ces derniers ont bien souvent dû fuir sans rien pouvoir emporter. Enfin, une évaluation des besoins en hygiène et assainissement est également prévue à Maimusari, au sein de la communauté d’accueil.

Actuellement, 8 expatriés et 62 personnels nigérians travaillent pour MSF dans l’Etat du Borno.

Notes

    À lire aussi