RDC : le conflit s’étend à la province du Sud-Kivu

Place de l'indépendance à Bukavu le 19 février 2025, capitale provinciale du Sud-Kivu, où l'activité reste limitée.
Place de l'indépendance à Bukavu le 19 février 2025, capitale provinciale du Sud-Kivu, où l'activité reste limitée. ©Hugh Cunningham

Marcus Bachmann, responsable des programmes de Médecins Sans Frontières (MSF) pour le Sud-Kivu, décrit la situation dans cette province de l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) où le conflit s’intensifie. 

Quelle est la situation actuelle au Sud-Kivu ? 

Si le cœur du conflit entre le M23/AFC, les forces armées congolaises (FARDC) et leurs alliés respectifs se situe principalement au Nord-Kivu, la province voisine du Sud-Kivu n’a pas été épargnée par les affrontements et les déplacements de population. Du fait de l’intensification du conflit au cours des trois premières semaines de 2025, 315 patients blessés ont été pris en charge dans les structures de santé soutenues par MSF dans le nord du Sud-Kivu. 

Fin janvier, le M23 a pris le contrôle de deux villes : Numbi, dans les hauts plateaux du nord du Sud-Kivu, et Minova, sur les rives du lac Kivu. Après la prise de Goma, la capitale du Nord-Kivu, le groupe a continué de progresser rapidement au Sud-Kivu, parvenant à capturer la semaine dernière les villes de Kalehe et Kavumu. 

Au cours du week-end du 15 février, les combattants du M23 sont progressivement entrés à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu et l'une des villes les plus peuplées de l'est de la RDC. L'armée congolaise et les forces alliées se sont a priori retirées de la ville. S'il n'y a ainsi pas d'affrontements importants, la situation reste chaotique avec quelques fusillades et pillages. Il n'y a pratiquement plus de circulation, certains habitants restent chez eux, quand d'autres ont choisi de quitter la ville. La situation est donc volatile. 

Quelle est la réponse de MSF ?

Nous n’avions pas d'activités médicales régulières dans Bukavu, mais nos équipes y étaient tout de même présentes pour coordonner les activités dans la province. Nous avons ainsi pu commencer rapidement à soutenir quatre hôpitaux de la ville pour faire face à l'afflux de blessés et renforcer notamment la capacité de prise en charge des victimes et survivants de violences sexuelles. 

Le lundi 17 février, les hôpitaux que nous soutenons à Bukavu avaient déjà reçu 48 patients blessés par balles et par éclats d'obus. 42 d'entre eux ont été reçus dans le même hôpital : tous étaient des civils dont 16 femmes et 11 enfants. 

Dans le nord de la province du Sud-Kivu, MSF continue de soutenir l'hôpital général de référence de Minova, trois autres centres de santé dans la zone de santé de Minova, et le centre de santé de Numbi. Des milliers de personnes deplacées se sont refugiées dans ces zones. 

Plus au sud, à Uvira [où MSF fournissait des soins aux patients atteints de Mpox ces derniers mois], la situation est également devenue très préoccupante. Des combats ont été signalés sur la route menant de Bukavu à Uvira, et l'hôpital général reçoit des dizaines de blessés, y compris des civils. Le 19 février, la situation sécuritaire restait alarmante, avec des affrontements et pillages armés en ville, empêchant tous les mouvements, y compris des ambulances. 

Nous évaluons la situation et explorons des moyens d'intensifier notre réponse aux besoins humanitaires des populations dans les zones autour de Minova, Bukavu et Uvira. 

Depuis le 14 février, des milliers de personnes traversent la frontière du Sud-Kivu vers le Burundi, notamment dans la province de Cibitoke. En collaboration avec les autorités burundaises, MSF évalue les besoins pour fournir une assistance d'urgence. La priorité est de soutenir l'accès aux soins de santé primaires par le biais de cliniques mobiles, d'améliorer l'accès à l'eau et de lutter contre les épidémies telles que la rougeole et le choléra. 

Quelles sont vos principales préoccupations ?

La propagation de la violence et des affrontements armés, ainsi que les contraintes logistiques qui en découlent, telles que la fermeture des aéroports et des voies de navigation sur le lac, affectent notre capacité à fournir des soins médicaux dans diverses parties du nord de la province du Sud-Kivu. Nous demandons à toutes les parties au conflit d’assurer la protection des civils, des travailleurs humanitaires, ainsi que des infrastructures et du personnel médical dans toutes les zones touchées par le conflit. 

En raison de l’instabilité de la situation, les besoins humanitaires risquent de s’aggraver, en particulier pour les personnes déplacées depuis longtemps. Nous sommes également préoccupés par la potentielle recrudescence des épidémies, telles que le choléra. Nos équipes sont prêtes à intervenir si nécessaire, notamment en fournissant de l'eau potable aux communautés. 

Notes

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