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Malnutrition au Tchad : « Si la pluie nous abandonne à nouveau, nous ne savons pas ce que nous ferons »

Une grande partie de l'économie locale du Tchad dépend de l'élevage de bétail comme les vaches, les chèvres et les chameaux. A cause d'un manque de pluie et d'une très mauvaise récolte cette année, il est devenu difficile pour les agriculteurs de nourrir leurs animaux. Certains ont emmené leur bétail vers le sud pour trouver des pâturages ou vendre leurs animaux.
Une grande partie de l'économie locale du Tchad dépend de l'élevage de bétail comme les vaches, les chèvres et les chameaux. A cause d'un manque de pluie et d'une très mauvaise récolte cette année, il est devenu difficile pour les agriculteurs de nourrir leurs animaux. Certains ont emmené leur bétail vers le sud pour trouver des pâturages ou vendre leurs animaux. © Claudia Blume/MSF

Endémique au Tchad, la malnutrition touche particulièrement les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes et allaitantes. Dans cette région du Sahel, particulièrement vulnérable au changement climatique, le manque de pluie exacerbe une situation déjà catastrophique. En septembre 2021, Médecins Sans Frontières (MSF) a lancé une intervention nutritionnelle dans la province tchadienne du Hadjer Lamis. 

Khadidja Iba est assise sur une natte colorée dans la salle d'attente d'un centre d'alimentation thérapeutique mis en place par MSF à Massakory, une petite ville de la ceinture sahélienne du Tchad. Cette mère de six enfants a marché pendant deux heures pour amener sa plus jeune enfant, Sara, 9 mois, pour une visite de suivi. Sara est inscrite au programme nutritionnel de MSF depuis un mois. Après une évaluation avec le personnel de santé de MSF, Khadidja reçoit des sachets de Plumpy'Nut, une pâte d'arachide à haute teneur énergétique, utilisée pour traiter la malnutrition. 

En septembre 2021, MSF lance une intervention nutritionnelle dans la province tchadienne du Hadjer Lamis, suite à une alerte concernant le nombre important de cas de malnutrition aiguë sévère dans la région - plus de 28 000 en 2021. En cause : les mauvaises récoltes, des régimes alimentaires inadéquats ainsi que des facteurs socioculturels, entre autres. Cette année, la situation a été exacerbée par une saison des pluies inhabituellement courte. 

« Il y a eu très peu de pluie cette année, déclare Khadija Iba. Nous n'avons pratiquement rien récolté. Nous devons acheter des légumes au marché, mais tous les prix ont quasiment doublé. Nous manquons de nourriture. »

Achta Abakar, 30 ans, patiente avant la consultation médicale de son petit garçon de 13 mois. « Mon village est à 19 km. C'est trop loin à pied. Donc je prends le minibus. Cela me coûte 3 600 francs tchadiens. Je viens ici depuis plusieurs semaines et mon bébé va mieux. C'est mon mari qui rapporte l'argent, il travaille dans le sud. Je m'occupe des champs, mais cette année je n'ai rien récolté. Nous ne mangeons que de la boule (plat de bouillie à base de millet) deux fois par jour. Parfois, nous mangeons du riz mais nous n'avons pas de légumes et ne mangeons de la viande qu'une fois par semaine. »
 © Claudia  Blume/MSF
Achta Abakar, 30 ans, patiente avant la consultation médicale de son petit garçon de 13 mois. « Mon village est à 19 km. C'est trop loin à pied. Donc je prends le minibus. Cela me coûte 3 600 francs tchadiens. Je viens ici depuis plusieurs semaines et mon bébé va mieux. C'est mon mari qui rapporte l'argent, il travaille dans le sud. Je m'occupe des champs, mais cette année je n'ai rien récolté. Nous ne mangeons que de la boule (plat de bouillie à base de millet) deux fois par jour. Parfois, nous mangeons du riz mais nous n'avons pas de légumes et ne mangeons de la viande qu'une fois par semaine. » © Claudia Blume/MSF

L'insécurité alimentaire n'est pas la seule préoccupation des personnes vivant dans cette région aride et inhospitalière. Pour beaucoup, le manque d’eau est un problème majeur. « Nous avons deux puits dans mon village, mais ce n'est pas suffisant, explique Khadidja Mahamat, 25 ans. L'eau a mauvais goût, nous la donnons surtout aux animaux. Pour avoir de l'eau potable, je vais à dos d'âne dans un autre village. Il me faut une heure et demie pour y aller. » 

La mauvaise qualité de l'eau provoque diarrhées et autres problèmes de santé, ce qui augmente le risque de malnutrition chez les enfants. 

Présentes dans les centres de nutrition thérapeutique de sept districts sanitaires de la province ainsi qu'à l'hôpital de Massakory, les équipes MSF se rendent également dans les villages reculés du Hadjer Lamis pour expliquer aux mères comment prévenir et détecter la malnutrition chez les enfants. Les promoteurs de santé montrent comment utiliser le bracelet MUAC - un instrument permettant de mesurer le niveau de malnutrition de l'enfant grâce à la circonférence de son bras.

Une zone fragilisée par le changement climatique

La région du Sahel est considérée comme l'une des plus vulnérables au changement climatique, avec des températures en hausse, des précipitations irrégulières et une désertification croissante. Au cours des dix dernières années, les zones saharienne et sahélienne du Tchad se sont étendues de 150 km vers le sud, entraînant une réduction des zones de culture et de pâturage.

Dans les villages où les équipes MSF interviennent, beaucoup de jeunes hommes sont partis pour trouver du travail dans d'autres régions du Tchad ou dans les pays voisins comme le Cameroun, le Niger et la Libye. D'autres ont emmené leur bétail dans le sud du pays, à la recherche de meilleurs pâturages. La plupart des hommes reviendront pour la prochaine période de semis. Cette migration temporaire est un mécanisme d'adaptation qui n'est pas nouveau, mais Osman Abakar, cinquante ans, affirme que cette année, les jeunes hommes sont partis plus tôt que d'habitude en raison de la mauvaise récolte. « Nous avons peur de l'avenir, dit-il. Tout ce que nous pouvons faire, c'est attendre les prochaines pluies. Si la pluie nous abandonne à nouveau, nous ne savons pas ce que nous ferons. »  

L'alerte sur la situation à Hadjer Lamis est survenue après la phase la plus aiguë de la malnutrition, mais MSF a toutefois accueilli plus de 1 600 enfants dans des centres de nutrition thérapeutique ambulatoires au cours des 15 premières semaines d'intervention. L'équipe se prépare désormais pour l'année prochaine. « Nous craignons que le pire soit à venir, que la période de soudure commence plus tôt que d'habitude et qu'elle puisse être plus longue et plus grave, explique Ibrahim Barrie, responsable de l'équipe médicale MSF sur place. C'est une crise continue, ce n'est plus seulement une période de soudure. Alors que le financement de la nutrition et de la sécurité alimentaire au Tchad a diminué, nous avons besoin d'une meilleure réponse de l'aide pour empêcher les enfants de mourir de malnutrition ».

Notes

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