« Je suis arrivée le 18 décembre. J’ai d’abord été faire une mission exploratoire à Bozoum. Puis, je suis revenue sur Bangui. Au début, j’étais la seule expatriée. Le logisticien m’a rejointe vers le 20 janvier. Le dispensaire du quartier PK5 était déjà existant. Le fait que MSF décide de le soutenir a fait que les employés sont revenus petit à petit et après on a recruté quelques personnes supplémentaires. Au départ, j’avais deux infirmiers, un médecin et un assistant logisticien avec moi avant que le logisticien MSF arrive.
Quand je suis arrivée, il y avait une sorte de petite accalmie, c’était juste après la grosse attaque du 5 décembre. Mais à Noël, ça a repris. Toute la fin de l’année, il y avait beaucoup de tirs. De semaine en semaine, on a augmenté le nombre de consultations. A fin janvier, on était à 150 consultations par jour dont un tiers d’enfants de moins de 5 ans. Il y a beaucoup de cas de paludisme, de diarrhées, infections respiratoires mais aussi beaucoup de dermatoses car nos patients vivent dans des camps de déplacés et rencontrent pas mal de problèmes d’hygiène et de promiscuité.
On a aussi reçu des blessés durant les moments où ça a le plus pété dans le quartier de PK5, le quartier musulman. Même si ce n’est pas le quartier qui était le plus touché. En permanence on en recevait entre 7 et 8 par semaine. Les gens étaient amenés par des gens du quartier, il y avait surtout des victimes de règlements de comptes parce qu’il y a pas mal de banditisme. Et tout le monde est armé d’une arme blanche. La fois où on a eu le plus de blessés, c’est un jour d’attaque entre anti-Balakas et musulmans mais ce n’est que supposition car c’est assez confus. Depuis une semaine ou deux, au niveau de ce quartier musulman de PK5, il y a beaucoup de pillages, des tirs. Une fois, on a eu 7 blessés en une seule journée et 17 en une semaine fin février. La plupart des blessés sont des hommes jeunes, ils ont été blessés par armes blanches, genre coup de couteau ou coup de machettes mais aussi des victimes de tirs et d’éclats de grenade. Quand on les reçoit au centre de santé, on les stabilise d’abord puis on les réfère à l’hôpital général où MSF travaille.
A quelques reprises, il y a bien eu des petits jeunes qui nous provoquaient parce qu’on est blanc et qu’il est facile de faire l’amalgame avec l’armée française. Mais de manière générale, on est très bien perçus même dans le quartier. On a fait beaucoup de communication avec les autorités sur place. Les musulmans ne peuvent pas quitter leur quartier de PK5 car ils ont peur de se faire tuer et on est la seule structure médicale qui leur permette un accès aux soins c’est pourquoi on avait décidé de s’installer là-bas.
Je ne me suis jamais vraiment sentie en danger. Bien sûr, j’ai pensé « beaucoup de gens sont armés ou ont des grenades ». J’avais peur que quelqu’un énervé lâche une grenade dans le centre de santé. Maintenant, ce n’était que PK5 et pas l’hôpital. Pour eux, le risque que ça dérape était plus grand. C’est la première fois que j’étais en plein cœur d’un conflit, la première fois que j’ai entendu autant de tirs, d’explosions, de tirs à l’arme lourde. Je n’avais jamais vécu cela de si près même si au Nord-Kivu (République démocratique du Congo), je m’étais retrouvée régulièrement avec des blessés mais on n’était pas au cœur des affrontements ou des règlements de compte.
De par nos activités, on est sortis du quartier car on supervisait toutes les activités périphériques mobiles : on soutenait 6 à 7 sites de déplacés dans les églises, la grande mosquée aussi. Notre rôle avec le logisticien était d’aller faire une supervision des besoins de ces sites de déplacés qui comptaient de 100 jusqu’à 50 000 personnes au mois de janvier, au plus fort de l’insécurité. La population allait dormir dans ces sites et la journée, elle rentrait chez elle, surtout les hommes pour les biens, les cultures. Les gens ne se sentent pas encore assez en sécurité pour pourvoir rentrer chez eux ; ils attendent. Ils ont énormément souffert avec tout ce qui s’est passé, ils ont des histoires terribles à raconter dans les deux camps. Il n’y a pas une seule famille qui n’ait pas été victime du conflit.
MSF est présente en RCA depuis 1997 et mène actuellement 7 projets réguliers (Batangafo, Carnot, Kabo, Ndélé, Paoua, Bria et Zémio) et 7 projets d'urgence (Bangui, Berbérati, Bouar, Boguila, Bocaranga, Bossangoa, Bangassou, ainsi que des dispensaires mobiles dans le Nord-Ouest du pays). Plus de 300 expatriés et plus de 2 000 employés nationaux travaillent actuellement pour MSF en RCA. Des équipes MSF mènent des acticités d'urgence pour les réfugiés centrafricains au Tchad, au Cameroun et en République démocratique du Congo.
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