L'histoire d'Aziz, 10 ans et déplacé en Irak

« Les promoteurs de la santé de MSF sont venus dans notre tente nous informer des services que la clinique proposait dans le camp. Ils ont dit à ma mère qu’il y avait un psychologue. »
« Les promoteurs de la santé de MSF sont venus dans notre tente nous informer des services que la clinique proposait dans le camp. Ils ont dit à ma mère qu’il y avait un psychologue. » © Gabrielle Klein/MSF

Le nom « Dalal » fait référence à un vieux pont en pierre qui existe toujours dans la ville frontalière de Zakho, située dans la région kurde du nord de l’Irak. Ce terme, qui signifie « beau », « unique », désigne également un complexe de loisirs sur une colline surplombant la rivière, qui accueille cérémonies de mariage et amateurs de grande roue.

Aujourd’hui, ce parc de loisirs est devenu le refuge de plus de 5 000 personnes ayant fui Sinjar récemment. Les terrains accueillent désormais de nombreuses tentes et ont été équipés de quelques latrines et points d’eau. Médecins Sans Frontières (MSF) y a mis en place une clinique mobile qui offre des soins de santé primaires et de santé mentale.

Aziz, est un jeune garçon de 10 ans. Il a rendez‑vous pour sa dernière séance avec le docteur Shirine, psychologue de MSF, à la clinique ouverte par MSF un mois plus tôt. Il porte un maillot orange usé du Real Madrid, avec le nom de Ronaldo au dos. Il raconte, en se tordant les mains : « un jour, les promoteurs de la santé de MSF sont venus dans notre tente nous informer des services que la clinique proposait dans le camp. Ils ont dit à ma mère qu’il y avait un psychologue », déclare‑t‑il.

Aziz souffrait de troubles urinaires nocturnes et de cauchemars. Sa mère a donc chargé sa sœur aînée de l’accompagner à la clinique de MSF. Un docteur lui avait prescrit des antibiotiques pour son infection urinaire et l’avait orienté pour ses autres symptômes vers le psychologue qui assiste l’équipe au sein du camp.

 « Tellement de gens ici sont traumatisés, explique le docteur Shirine. La plupart ont subi de terribles épreuves et s’adaptent difficilement à leurs nouvelles conditions de vie. Beaucoup sombrent dans la dépression .» C’est pourquoi MSF a décidé d’offrir des séances individuelles ou de groupe pour assurer les premiers soins psychologiques. « Nous demandons aux patients de nous faire part de leurs émotions et de décrire l’élément déclencheur de leur traumatisme », explique‑t‑elle.

Aziz est un garçon très courageux, mais il avoue être terrorisé par ses cauchemars. Il se rappelle de sa réaction au moment où des conflits ont éclaté dans son quartier à l’approche des forces de l’État islamique. « La veille de notre départ, les combattants s’étaient affrontés toute la nuit. J’étais à la maison avec mes petits frères et sœurs. Maman m’avait demandé de les surveiller durant leur sommeil. Je n’avais pas peur. Lorsque les combats se sont faits plus menaçants, je les ai réveillés et les ai emmenés dans un endroit plus sûr. J’ai même réussi à ce qu’ils se rendorment, raconte‑t‑il fièrement. Le lendemain matin, les peshmerga sont partis, alors nous nous sommes enfuis dans les montagnes. »

« Cela n’a pas été facile, nous avons marché longtemps dans les montagnes et nous n’avions pas tous des chaussures. Moi, je portais des sandales en plastique. Nous avons grimpé pendant quatre heures, mais le plus dur a été la descente, car le terrain était très glissant et les petits étaient exténués. Je portais ma sœur de cinq ans sur mon dos, raconte-t-il avec fierté. Elle était trop lourde pour moi, mais elle ne pouvait plus marcher, alors je n’avais pas le choix. Ensuite, ma mère a trébuché et elle est tombée. Nous avons dû nous arrêter quelques instants, puis l’un de mes oncles l’a portée. » La mère d’Aziz était enceinte de trois mois. Lorsqu’ils ont enfin arrivés au pied de la montagne, des soldats l’ont conduite à l’hôpital de Kanishli. Aziz ajoute : « aujourd’hui elle va bien, mais elle a perdu le bébé. »

« Je m’inquiète énormément à son sujet. Je suis angoissé à l’idée de perdre mes parents. Les séances avec le docteur Shirine étaient une bonne idée. Elle m’a beaucoup aidé, je ne fais plus pipi au lit et mes cauchemars ont disparu. J’ai pris des médicaments et le docteur m’a dit de ne pas trop réfléchir la nuit. Maintenant, je vais aux toilettes juste avant d’aller dormir et je ne pense plus à rien. »

Le docteur Shirine est psychologue à Dohuk. D’après elle, « la plupart des enfants font état de terreur et de cauchemars. Aziz avait déjà présenté ce type de symptômes avant de venir ici, il rêvait qu’il étouffait ou se noyait. Son départ forcé de Sinjar et l’état de santé de sa mère n’ont fait qu’aggraver les choses. » Le docteur Shirine a mené trois consultations individuelles avec Aziz. « J’ai discuté avec la famille aussi, parce qu’ils ont besoin de connaître les problèmes de l’enfant et de le soutenir. J’ai demandé à ses parents d’être doux et de passer du temps avec lui le soir avant qu’il aille se coucher. »

« J’ai plein d’amis dans le camp, affirme Aziz. Je joue au football et je suis souvent gardien de buts. Cela pourrait être bon pour certains de mes amis de voir un psychologue, par exemple pour mon cousin, qui est du même âge que moi et a les mêmes symptômes. Je lui ai dit d’aller à la clinique, ajoute‑t‑il en souriant. Mais il ne m’écoute pas. Il est peut‑être timide ou bien sa maman n’insiste pas autant que la mienne. »

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► Consultez notre dossier consacré à la situation en Irak.

 

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