Dès le début de la crise, MSF a mis en place un poste de santé dans l’une des salles de classe du lycée de Sharia. Chaque jour, à 16 heures, lorsque le dispensaire ferme ses portes, la salle redevient le lieu de résidence de la famille de Malican. Chaque matin, la famille range matelas, couvertures et effets personnels dans un coin avant que l’équipe de MSF n’arrive avec son matériel médical.
Malican est une fillette de 10 ans pleine d’entrain et à l’air malicieux. Malican et sa famille ont fui Hatare, une petite ville au sud‑ouest d’Al Qosh. Assise par terre dans le couloir de l’école, elle joue aux osselets avec une copine tandis qu’une foule de gens, adultes et enfants mêlés, s’attroupe autour d’elles.
« La vie est beaucoup plus dure depuis que nous sommes ici. Je dois faire toutes sortes de tâches ménagères, comme ranger, laver le linge, etc. », explique Malican. Sa mère, qui souffre d’un ulcère, a enchaîné les séjours à l’hôpital général de Dohuk au cours des derniers mois. « Aujourd’hui, je suis contente, parce que je vais lui rendre visite à l’hôpital. Je suis inquiète pour elle et elle me manque énormément », confie-t-elle.
L’école et les bâtiments voisins ne comptent que quatre toilettes accessibles aux résidents ainsi qu’aux quelque 350 patients qui fréquentent le centre médical chaque semaine. « Tous les matins, quand je me réveille, je commence par aller me laver le visage et les mains aux toilettes. C’est toujours très sale. Les lieux sont nettoyés chaque jour, mais tous les gens qui passent dans la salle utilisent nos toilettes, alors elles sont vite dégoûtantes. »
Afin de pallier une assistance insuffisante en matière d’approvisionnement en eau et en assainissement, MSF a installé en urgence des latrines et des douches temporaires dans plusieurs sites à travers dans le gouvernorat de Dohuk et distribué des kits d’hygiène aux populations déplacées.
Malican raconte que dans sa maison un coin servait de lieu de culte. « Ici, nous ne prions plus ; c’est trop sale, on commettrait un péché », déplore‑t‑elle.
Malican est une élève enthousiaste. Ses matières préférées sont l’Anglais, le Kurde et le sport. Elle aimerait retourner à l’école. « Mon maître est venu me voir il y a quelques jours et je lui ai demandé quand l’école reprendrait. Il m’a répondu que les écoles d’Hatare n’ouvriraient pas de sitôt, car c’est trop dangereux ».
Malgré les combats qui se poursuivent au nord de Mossoul, certaines familles, dont celle de l’oncle de Malican, ont préféré rentrer chez elles plutôt que d’endurer les conditions de vie indignes à Sharia.
« Mon grand frère est parti chercher du travail à Erbil, continue Malican. Je crois qu’il détestait cet endroit. Je ne pense pas qu’il reviendra. Il me manque beaucoup et j’aimerais qu’il nous appelle plus souvent. »
« Ce sont mes amis qui me manquent le plus, surtout Madeline. Je ne sais pas où elle est. Je m’amusais bien à jouer à la poupée avec elle. Ici, je n’ai pas de poupée, j’ai dû laisser les miennes à la maison. » Malican reconnaît qu’elle s’est fait quelques amis à l’école, mais elle évite les enfants de Sinjar. « Je ne parle pas aux enfants de Sinjar, ils sont sales et jettent les déchets n’importe où. Je suis plus habituée au comportement des gens d’Hatare », déclare‑t‑elle fièrement.
« Des enfants de Sinjar nous racontent ce qu’ils ont vécu. L’un d’eux nous a dit qu’il avait vu un petit se faire tirer dessus, puis tomber d’une falaise, mais les adultes nous ordonnent de ne pas parler de ça. Puis, elle ajoute : moi, tout ce que je souhaite, c’est que ma maman se rétablisse et qu’elle revienne. J’aimerais bien aussi avoir une poupée ».