Quelle est la situation actuelle à Bouar et pourquoi MSF a décidé d’intervenir ?
L’insécurité qui règne dans le pays depuis le mois de mars 2013 a provoqué plusieurs mouvements de population. Les derniers datent de janvier 2014. La population de Bouar a subi le passage de milices armées avec son lot de combats et des violences perpétrées contre les civils. La présence de plusieurs milliers d’hommes armés dans cette petite ville rend la situation imprévisible et fait régner la peur au sein des différentes communautés. Avec l’arrivée des troupes françaises, il y a quelques jours, la situation a changé et plus aucun homme en arme n’est visible.
Depuis un mois, MSF soutient l’hôpital de Bouar pour la prise en charge des blessés et la gestion des autres urgences médicales.
Peut-on parler de vulnérabilité croissante des communautés minoritaires à Bouar ?
Depuis le 21 janvier, des milliers de personnes appartenant à la minorité musulmane de Bouar se sont regroupées autour de la mosquée. Le quartier « Haoussa » est enclavé, les gens ont peur de sortir car ils sont victimes d’exactions et d’actes d'intimidation. Il y a quelques jours, nous avons entendu une quinzaine de coups de feu, pendant vingt minutes, autour du site des déplacés où nous nous trouvions. Des hommes armés sont venus menacer et extorquer de l’argent aux déplacés en échange de leur sécurité. Cette communauté vit dans une peur croissante, ces personnes craignent pour leur vie. Plusieurs familles ont perdu des proches, tués lors des violences des dernières semaines. La plupart ont vu leurs biens pillés et ne peuvent plus faire touner leurs commerces. Beaucoup d’entre eux ne voient plus d’autre possibilité que de fuir.
Y-a-t-il eu des déplacements vers les pays voisins ?
Au cours des dernières semaines, plusieurs mouvements de fuite vers le Cameroun ont été observés. Début février, le site de « Haoussa » comptait quelques 8 500 déplacés mais, ces derniers jours, environ 2 000 personnes sont parties vers la ville frontalière de Garoua-Boulaï. De nouvelles personnes arrivent chaque jour, il est donc difficile d’avoir un décompte clair. Avec l’arrivée récente des forces françaises, la route est un peu plus sécurisée. En conséquence, on voit des femmes et des enfants monter à l’arrière de camions partant pour le Cameroun. Les hommes restent car ils ont peur de se faire tuer sur la route. La plupart des déplacés ont peur de partir et ceux qui passent le pas prennent de gros risques.
Quelle est la situation humanitaire des déplacés de Bouar ?
Depuis le mois de janvier, les populations n’ont pas reçu d’assistance alimentaire. Nous avons fait une évaluation nutritionnelle et allons lancer un programme de prise en charge des enfants malnutris. La situation n’est pas encore catastrophique, mais - en une semaine - nous avons tout de même identifié une vingtaine d’enfants concernés. Si rien n’est fait, la situation risque de se dégrader rapidement. En cette période de saison sèche, la région connaît habituellement un pic de malnutrition, ainsi que de nombreux cas d’infections respiratoires.
Quelles ont été les principales activités de MSF depuis janvier ?
Depuis notre arrivée, nous avons pris en charge 72 patients aux urgences de l’hôpital de Bouar. Une quarantaine d’entre eux avaient été victimes d’un accident de camion alors qu’ils fuyaient vers le Cameroun. Ils ont été pris en charge à Bouar avant d’être escortés vers Garoua-Boulaï il y a quelques jours ; là-bas, des équipes MSF les ont récupérés pour poursuivre la prise en charge de l’autre côté de la frontière.
Les patients que nous recevons actuellement à l’hôpital de Bouar sont des personnes qui ont été blessées il y a plusieurs mois. Par exemple, nous avons récemment reçu un patient avec de multiples fractures du fémur datant d’il y a plusieurs mois. Il s’était caché en brousse à cause de l’insécurité. Certains commencent à sortir car la situation est un peu plus calme qu’au cours des mois précédents.
La population a-t-elle accès aux soins ?
L’accès aux soins est difficile, en particulier pour la minorité musulmane qui a peur de sortir de son quartier pour se rendre à l’hôpital à cause de l’insécurité en ville et de la présence d’hommes armés sur la route. Un centre de santé a été mis en place sur le site Haoussa pour fournir des soins de santé primaire. Mais les blessés par balle ou par arme blanche n’ont pas d’autre choix que de se rendre à l’hôpital, situé à un kilomètre du site. Ils prennent des risques importants pour venir se faire soigner.
A l’extérieur de la ville, plusieurs centres de santé ont été pillés. Le 31 janvier dernier, l’hôpital de Bouar a lui aussi subi l’incursion de milices armées, ce qui a obligé MSF a interrompre ses activités pendant deux jours. A Bohong, à 70 km de Bouar, le centre de santé a subi plusieurs attaques ; la dernière, en décembre, a fermé les portes de cette structure et ce malgré les besoins de la communauté... Dès que la situation sécuritaire le permettra, nous organiserons des dispensaires mobiles dans la périphérie de Bouar.
MSF travaille en République centrafricaine depuis 1997. Actuellement MSF gère 8 projets réguliers à Batangafo, Boguila, Carnot, Kabo, Ndélé, Paoua, Bria et Zémio; et 7 projets d'urgence à Bangui, Bouar, Bangassou, Bozoum, Bossangoa, Yaloke et Berberati. MSF compte plus de 240 travailleurs internationaux et 2 000 collaborateurs locaux dans le pays. Au Cameroun, au Tchad, en République démocratique du Congo et au Congo-Brazzaville, d'autres équipes MSF viennent en aide aux réfugiés centrafricains.
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